Intervention de l’Ambassadeur de France, M. Yvon ROE D’ALBERT,
sur le thème de la réforme légale et judiciaire et des Droits de l’Homme
Réunion du Groupe Consultatif
6 décembre 2004


Le Gouvernement Royal du Cambodge a, à juste titre, placé la réforme légale et judiciaire au cœur de la Stratégie Rectangulaire, ambitieux programme fixé à l’action du gouvernement pour cette troisième législature.

Cette réforme, entreprise avec l’appui actif des bailleurs de fonds, est en effet la pierre angulaire de la construction d’une société démocratique respectueuse des droits de l’homme et du citoyen. Elle est très importante pour la population cambodgienne, qui aspire légitimement à une amélioration en profondeur du système judiciaire actuel. Elle est également indispensable pour susciter la confiance des investisseurs, en assurant la sécurité juridique propre à permettre des investissements durables, condition sine qua non d’un développement de l’économie de votre pays et de son retour progressif à l’équilibre. Elle l’est aussi pour combler l’important déficit juridique qui handicape lourdement votre pays dans un contexte international devenu plus compétitif encore depuis votre accession à l’OMC. Le retard du Cambodge dans ce domaine est un frein à votre développement et un obstacle qu’il convient de lever rapidement pour vous permettre de lutter efficacement contre la pauvreté.

Je ne reviendrai pas sur tous les éléments de cette réforme que j’avais détaillés, lors de notre réunion préparatoire le 10 septembre dernier.

Permettez-moi de rappeler simplement en quelques mots ses composantes, ses objectifs et son sens.

Pour l’essentiel il fallait d’abord reconstituer un corpus légal cambodgien complet et cohérent. Vaste et complexe entreprise. Les principaux codes sont maintenant pratiquement achevés. Nous attendons des autorités cambodgiennes qu’elles fassent le nécessaire en 2005 pour que ces textes entrent en vigueur accompagnés de ceux nécessaires à leur application, cet ensemble formant le fondement d’un droit adapté au Cambodge.

Sur le long terme, la formation des hommes est évidemment apparue comme un préalable indispensable à la remise en état de votre appareil judiciaire. Là aussi, un résultat tangible a été obtenu assez rapidement, avec la création il y a deux ans de l’Ecole Royale de la Magistrature. La mise en place d’un Centre de Formation des Avocats ainsi que les mesures prises pour assurer le suivi du processus de la réforme légale et judiciaire sont également des résultats positifs. Bien sûr, nous nous félicitons aussi de la récente promulgation de la loi sur les Chambres extraordinaires qui représente un important pas en avant dans le sens souhaité par la communauté internationale.

D’autres chantiers n’ont pas progressé au même rythme et les donateurs, au nom desquels je m’exprime, le regrettent d’ autant plus que ces réformes sont très importantes puisqu’elles visent soit à garantir la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la magistrature, comme la restructuration du Conseil Supérieur de la Magistrature, le vote du statut des magistrats, soit à achever la reconstruction de votre appareil judiciaire, comme la loi toujours attendue sur l’organisation juridictionnelle qui, avec les codes, forme le socle du cadre législatif et judiciaire. Il faut maintenant avancer rapidement sur ces dossiers pour assurer l’équilibre et la solidité de l’ensemble de l’édifice judiciaire.

Il faut enfin permettre à la justice de votre pays de fonctionner en lui donnant les moyens humains, techniques et politiques, notamment en termes de budget et de rémunération. Cet objectif a commencé a être pris compte pour les magistrats. Un effort reste à faire pour le Ministère de la Justice. J’espère que le budget 2005 prendra en considération cette nécessité.

Mais surtout, et c’est une tâche prioritaire, tout faire pour rétablir la crédibilité de vos institutions judiciaires si sérieusement mises à mal par la corruption, comme vient de le souligner mon collègue américain. Bref, c’est l’engagement d’une dynamique vertueuse qu’attendent vos principaux partenaires.

Au delà des questions judiciaires et légales je voudrais mentionner tout spécialement une question qui tient très à cœur à chacun d’entre nous: celle des droits de l’Homme, dont au demeurant le Roi Norodom Sihamoni lui-même a tenu dans son premier message à la Nation à marquer toute l’importance. La situation à cet égard au Cambodge est contrastée.

De grands progrès ont été enregistrés ces dernières années et sont à porter incontestablement au crédit de votre gouvernement: l’organisation d’élections libres et régulières sous le contrôle de la communauté internationale, la grande liberté dont jouit la presse, fut-elle étrangère, la liberté totale des cultes, la latitude à bien des égards exceptionnelle laissée aux très nombreuses organisations non gouvernementales, nationales ou étrangères, intervenant dans les domaines les plus variés. Beaucoup reste cependant à faire en matière de lutte contre les trafics d’êtres humains, notamment des femmes et des enfants. De même, il convient de mentionner le problème des concessions foncières et du respect des droits des communautés villageoises. A ce titre, les donateurs ont salué la récente initiative prise par le Premier Ministre, lors du Forum National sur la Propriété Foncière, d’aborder ce problème crucial.

J’évoque cette question des droits de l’Homme parce qu’elle seule peut donner tout son sens à l’action collectivement entreprise par votre gouvernement et vos partenaires pour restaurer l’Etat de droit. Il va de soi que cette entreprise vise et implique l’égalité de traitement de tous devant la loi, une répression sans faiblesse des responsables d’actes criminels quels qu’en soient les auteurs, les motivations et la nature, un respect vigilant non seulement des droits et libertés publiques, y compris de libre réunion, mais aussi des obligations qui en découlent pour chacun, une protection effective des droits des acteurs économiques et sociaux et notamment de ceux des catégories sociales les plus fragilisées qui sont les premières et les principales victimes de la corruption.

La volonté déclarée de votre gouvernement d’agir en ce sens devrait permettre de donner une impulsion nouvelle à la consolidation de l’Etat de droit et à la construction d’un système judiciaire et légal fiable et pérenne. Cette nouvelle législature pourra, nous en sommes convaincus, être marquée par des gestes forts à cet égard dans ces domaines essentiels pour un approfondissement continu de la démocratie et une lutte véritablement efficace contre la pauvreté.

Le soutien de la communauté des donateurs à toutes les initiatives que vous prendrez en ce sens vous est acquis.


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