Réunion du Groupe Consultatif du Cambodge

Phnom Penh, 2-3 mars 2006

Déclaration conjointe des donateurs sur la réforme légale et judiciaire

par l’Ambassadeur de France

Je souhaiterais prendre un peu de recul pour aborder, au nom de la communauté internationale, la question de la réforme légale et judiciaire. Pour rappeler d’abord l’œuvre remarquable de reconstruction du pays et de réconciliation nationale accomplie depuis la signature des accords de Paris. Et il est de fait qu’au cours de ces années difficiles, la priorité n’était sans doute pas à la réforme légale et judiciaire. Ce qui n’a pas empêché l’adoption de la Constitution de 1993, le déroulement satisfaisant — aux dires mêmes des observateurs internationaux — des élections législatives, communales et sénatoriales, la mise en place et en pratique du processus de succession au trône. Mais il restait, il est vrai, à doter le pays d’un cadre légal complet, global et cohérent pour donner à chacun la sécurité juridique à laquelle il aspire légitimement. L’achèvement de ce projet supposait de toute évidence la réconciliation nationale et le retour à la stabilité politique.

Ce sera bientôt chose faite grâce en particulier aux mesures prises ou engagées ces dernières semaines pour rétablir le dialogue entre tous les Cambodgiens. Les conditions semblent donc réunies pour l’adoption des normes juridiques qui parachèveront le retour complet du Cambodge à l’Etat de Droit. La coopération internationale a travaillé depuis déjà plusieurs années avec vos propres experts pour préparer I’ensemble des lois qui permettront de codifier les règles appelées à régir la vie en société et l’activité économique du Cambodge de demain. Mais les choix ne relèvent pas de la compétence des experts, ils relèvent de la souveraineté nationale. Les options sont désormais sur la table. C’est au gouvernement cambodgien de faire ses choix, en fonction de sa tradition, mais aussi des traités, des standards et des pratiques internationaux auxquels il se réfère et que nous partageons. C’est enfin au Parlement cambodgien de voter les textes fondamentaux.

J’aimerais en effet insister sur la nécessité de mettre en place un cadre juridique complet et cohérent. C’est la raison pour laquelle les autorités cambodgiennes ont donné, à juste titre, la priorité aux textes juridiques structurants —code civil, code pénal, code de procédure civile, code de procédure pénale — qui constituent I’armature sur laquelle viennent s’articuler, en accord avec les dispositions d’ordre constitutionnel, les textes législatifs comme les textes spéciaux.

Au fur et à mesure du retour du pays à la vie normale, le besoin s’est fait sentir de normes plus précises, sur I’évolution de la société et de l’activité économique conditions d’exercice des libertés publiques, lutte contre la corruption, la trafic des personnes, l’exploitation sexuelle, la violence domestique, etc... Ces besoins nouveaux ne font que renforcer I’urgence d’une adoption rapide des lois dites fondamentales qui fixeront le cadre général de l’Etat de Droit. Les partenaires du Cambodge ont pris connaissance avec satisfaction de I’état d’avancement des deux codes de procédure civile et pénale, puisque le premier a d’ores et déjà été arrêté par le gouvernement, et que le second devrait I’être tout prochainement. Ils ne sauraient trop vous inciter à poursuivre résolument cette dynamique pour compléter le cadre juridique de base avec les autres textes en cours d’élaboration.

La stratégie globale de la réforme légale et judiciaire entreprise par le gouvernement nécessite une volonté politique soutenue. Elle ne saurait se limiter à I’adoption des lois. Leur application harmonieuse suppose un appareil judiciaire indépendant, transparent et suffisant en nombre et en qualité. A cet égard, les besoins sont bien connus de tous : il vous faut recruter et former les jeunes magistrats qui assureront le bon fonctionnement du système. La création de l’Ecole Royale de la Magistrature — qui a déjà formé deux promotions de juges — et la mise en place de l’Académie des Sciences Juridiques ont jeté les bases de l’édifice. Mais il faut aller plus loin. II faut désormais les greffiers, les notaires, les huissiers qui vous font défaut. Tous ces professionnels, il faut les recruter, les former, leur donner un statut, des assurances de carrière, une déontologie, leur préciser le Droit qu’ils doivent appliquer... autant dire que le chantier qui vous attend est immense, qu’il nécessite des moyens importants, et que vous devrez pouvoir compter, dans cette tâche, sur I’appui de la communauté internationale.

L’impatience des donateurs ne relève pas, soyez-en sûrs, d’une quelconque volonté de s’immiscer dans un domaine qui relève, plus que tout autre, de la souveraineté nationale du Cambodge. Les donateurs doivent être des alliés, non des donneurs de leçons. Ils espèrent simplement que vous allez pouvoir saisir I’occasion historique que vous donnera prochainement l’ouverture du procès des dirigeants khmers rouges pour apporter à ceux qui doutent encore la preuve irréfutable que la justice cambodgienne, servie par des juges compétents, indépendants, conscients de la haute mission qui est la leur, a définitivement éradiqué cette culture d’impunité qu’un régime génocidaire avait, comme une mauvaise herbe, semée dans votre sol. Dans cette tâche, dont ils mesurent tous pleinement la difficulté, vos partenaires seront à vos côtés./.


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