Réforme légale et judiciaire
Réunion préparatoire au groupe consultatif
Intervention de I’Ambassadeur de France, M. Yvon ROE D’ALBERT
10 septembre 2004

L’Etat de Droit est un facteur essentiel de la démocratie et du développement économique. L’importante réforme légale et judiciaire entreprise par votre gouvernement avec le soutien actif des bailleurs de fonds a pour objectif, après les années de tragédies et de turbulences qu’a connu votre pays, d’entreprendre sa pleine restauration. Elle vise un des piliers majeurs de la vie démocratique, l’égalité des citoyens devant la loi. Mais elle vise aussi à créer les conditions propices au renforcement de la sécurité juridique des investissements, condition nécessaire au développement économique et social du pays - au même titre, par exemple, que la rationalisation des procédures foncières.

Le Royaume du Cambodge accuse, par rapport à ses voisins, un déficit dans le secteur juridique qui hypothèque son développement harmonieux et constitue l’un des facteurs de son retard économique. Votre gouvernement s’est engagé à combler ce retard en orientant fortement son action sur le renforcement de l’Etat de Droit. Il bénéficie pour cela de l’appui de la communauté internationale.

En effet, conscient de cet enjeu, votre gouvernement a entrepris, avec l’aide des pays et organisations partenaires, la mise en chantier de cette vaste réforme à laquelle ont été fixés, lors des réunions successives du groupe consultatif, des objectifs clairs et quantifiables. Aujourd’hui, il convient, dans un contexte plus concurrentiel de l’aide publique au développement et alors que la pression des opinions publiques des bailleurs de fonds se fait plus soutenue, de dresser un bilan des résultats obtenus et de tracer les nouvelles orientations pour la période à venir.

Dans le contexte de la lutte contre la corruption particulièrement nécessaire dans le domaine judiciaire, il s’avère indispensable que les autorités cambodgiennes accélèrent la réforme légale et judiciaire pour consolider le processus démocratique, pour assurer dans les conditions souhaitables le respect des droits de l’Homme et pour permettre un développement économique durable. Cet effort est essentiel pour renforcer la crédibilité internationale du Cambodge au moment de son entrée dans l’Organisation Mondiale du Commerce et alors qu’il aspire légitimement à exercer au sein des organisations internationales des responsabilités nouvelles.

Cette réforme légale et judiciaire comporte plusieurs volets visant à la reconstitution et à l’élaboration d’un corpus juridique complet et homogène. Cette réforme est de longue haleine, ambitieuse, complexe mais indispensable.

Ainsi, le Conseil de la réforme légale et judiciaire et son bureau exécutif ont été soucieux de préparer, depuis décembre 2003, le plan d’action qui doit définir, d’une part, les priorités retenues et, d’autre part, leur calendrier de mise en œuvre. Ce travail entre les institutions du gouvernement, les partenaires au développement et les organisations représentant la société civile s’est accompli dans un esprit d’ouverture et de transparence qui ont permis de mieux sérier les difficultés du processus de la réforme légale et judiciaire.

            Dès lors, on ne peut que se féliciter:

  • de l’inscription de cette réforme parmi les priorités de la << stratégie rectangulaire >> présentée par votre gouvernement ;

  • du travail rigoureux de rédaction des codes civil et pénal et des codes de procédures civiles et pénales. Ces textes, j’en forme le vœu au nom de la communauté des donateurs, doivent être votés rapidement;

  • de la création, en février 2002, d’une Ecole Royale de la Magistrature visant à une réelle professionnalisation des magistrats. L’aide internationale devrait permettre d’élargir à d’autres fonctions cet effort de formation: aux greffiers, aux notaires, aux huissiers, aux liquidateurs judiciaires, autant d’acteurs du système judiciaire;

  • de l’inclusion des magistrats parmi les catégories de fonctionnaires dont les rémunérations ont connu la plus forte revalorisation, en complément des efforts de formation à long terme. C’est une mesure importante, il en va de leur indépendance;

  • enfin, du renforcement du centre de formation des avocats.

Ces premières réalisations ont été rendues possibles grâce à un large soutien collectif de la communauté internationale.

Elles témoignent, en outre, des progrès accomplis dans la détermination de votre gouvernement pour renforcer l’Etat de Droit. La diversité de ces chantiers, le grand nombre de pays et d’organisations partenaires dans votre entreprise de restructuration de votre système légal et judiciaire, soulignent la nécessité d’un effort soutenu pour en assurer une mise en œuvre cohérente, pour harmoniser les interventions des différents partenaires et pour renforcer leur efficacité et leur synergie.

Ces interventions variées qui touchent à la fois les institutions, la formation et l’élaboration des textes, exigent que tous ces chantiers progressent harmonieusement et de manière cohérente sous peine de déséquilibrer cet édifice complexe.

A cet égard, plusieurs questions importantes restent en suspens et nécessitent un traitement rapide:

  • en premier lieu le renforcement du Conseil Supérieur de la Magistrature qui, par son indépendance, garantira la séparation des pouvoirs;

  • l’adoption du statut des magistrats qui en est le corollaire;

  • le vote de la loi d’organisation juridictionnelle;

  • l’élaboration des textes sur la juridiction du travail;

  • la constitution des tribunaux de commerce;

  • le vote par le Parlement des codes civil et pénal et des codes de procédures civiles et pénales.

Je pense aussi à l’attribution de moyens financiers et humains nécessaires au Ministère de la Justice lui permettant notamment de créer un service ad hoc de diffusion de la jurisprudence, condition d’une bonne information des citoyens.

Outre ces objectifs à atteindre, plusieurs recommandations émanant de la communauté internationale ont déjà été exprimées auprès du Conseil de la réforme légale et judiciaire. Permettez-moi, M. le Premier Ministre, de les rappeler:

  • l’augmentation substantielle de l’enveloppe consacrée à la justice dans le cadre de la préparation du budget national;

  • le souci d’une participation et d’une consultation aussi large que possible dans le processus législatif au niveau de la préparation, de la révision et du vote des textes de loi;

  • la clarification des rôles et responsabilités des entités gouvernementales au regard du calendrier de la réforme;

  • la prise en compte des recommandations des Nations Unies dans l’amélioration de la défense des droits de l’Homme au Cambodge.

Ainsi, forte de la volonté politique de votre Gouvernement, la réforme légale et judiciaire doit connaître une nouvelle impulsion dans le sens de l’égalité de tous devant la loi et de la construction d’un système légal et judiciaire fiable et pérenne. C’est à l’aune de réalisations concrètes, pour lesquelles vous le savez, Monsieur le Premier Ministre, l’assistance de la communauté internationale vous est acquise, que sera appréciée votre détermination à continuer ces indispensables réformes, essentielles pour la stabilité politique, l’approfondissement de la démocratie et la prospérité du peuple cambodgien. Avant la réunion du groupe consultatif on décembre prochain, votre gouvernement aura à cœur, je n’en doute pas, de manifester sa détermination à avancer rapidement dans la mise en œuvre de cette vaste réforme par des gestes concrets et significatifs répondant aux attentes de tous vos partenaires./.


Home | 8th CG Meeting | 7th CG Meeting | Partnership and Harmonization TWG | GDCC | Policy Documents Guidelines | Donor Dev. Coop. Pgm. | NGO